Coloquio sobre "El desarrollo urbano de Montréal y Barcelona en la época contemporánea: estudio comparativo". Universidad de Barcelona, 5-7 de mayo de 1997 |
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Exploiter, vendre et consommer un nouveau service public: le développement
du réseau de téléphone à Montréal, de
1879 à 1930
Claire Poitras. INRS-Urbanisation
Introduction(1)
Le service téléphonique montréalais a fait l'objet,
au cours de son histoire, d'un processus d'adaptation réciproque
entre la société locale et sa principale entreprise distributrice
(la Compagnie de Téléphone Bell du Canada). C'est que la
téléphonie montréalaise a subi, d'une manière
directe, les influences de l'emprise exercée dans les grandes villes
du nord-est des États-Unis par la société American
Bell Telephone(2). Dans ce cas, les entreprises régionales
Bell ont été regroupées en 1885 pour former American
Telephone and Telegraph (AT&T) qui détient le monopole du service
interurbain. Les expériences de construction des réseaux
téléphoniques urbains et interurbains font l'objet d'échanges
tant sur le plan technologique que sur le plan organisationnel. Par conséquent,
cette influence laisse de nombreuses traces: d'abord du point de vue de
l'approche manageriale relative à l'exploitation des réseaux;
ensuite en matière d'innovations technologiques et de génie
électrique; enfin, du point de vue des techniques de prévision
de la demande de même que des méthodes de mise en marché
du service. Peut-être plus important encore est le transfert d'idées
relatives à la notion de service public(3) -- conçu
comme un service conforme aux ambitions économiques d'une société
moderne -- qui s'impose sous l'effet de l'action des échanges
et des contacts.
Le type de service téléphonique qui s'est développé
à Montréal est le produit, d'une part, de l'influence technologique
et culturelle en provenance des États-Unis, de même que des
particularités de la société, de l'économie
et de la culture canadiennes et montréalaises. Mais le cas de Bell
à Montréal, fortement marqué par son homologue états-unien,
témoigne aussi d'une certaine incapacité à saisir
d'emblée les traits socioculturels distincts de la métropole
canadienne. En fait, on peut dire que plusieurs dirigeants de Bell à
Montréal sont passablement déconnectés de la société
avec laquelle ils doivent transiger. Formés dans un esprit entrepreneurial
empreint de libéralisme, leur principal leitmotiv est de construire
une entreprise monopolistique dont les profits sont conformes aux attentes
des actionnaires Toutefois, la conception que se font les exploitants du
service téléphonique est remise en question par le rôle
de service public que lui confèrent les instances étatiques.
On constate que les représentations des exploitants du téléphone
sont remises en question par une réalité urbaine avec laquelle
ils ne sont guère familiers. À l'instar des grandes villes
nord-américaines, la société montréalaise n'a
rien de monolithique. Il reste que le rapprochement entre les deux contextes
(les grandes villes des États-Unis et la métropole canadienne)
suppose certaines précautions. En effet, les conditions socioculturelles
locales sont très différentes dans les deux cas. On ne peut
pas en conclure que le système mis en place par Bell ait été
entièrement caractérisé par son inadaptation à
la demande sociale. En revanche, il est clair que certaines des spécificités
socioculturelles montréalaises, notamment la présence de
deux groupes linguistiques, la géographie morcelée ainsi
que la fragmentation municipale des localités de l'île, ont
été peu prises en considération par les promoteurs.
En vue de mettre en lumière les diverses réciprocités
entre un système technique et son contexte d'insertion, nous considérons
les pratiques de production, de promotion ainsi que les pratiques de consommation
du service téléphonique montréalais. Comment les exploitants
privés du réseau téléphonique comprennent-ils
la ville et le territoire qu'ils desservent? Sur quelles bases s'appuient
leurs choix en termes d'équipement? Du côté de la sphère
de la consommation, comment interpréter l'engouement pour la nouvelle
technologie? Répondait-elle à certaines aspirations propres
aux citadins du tournant du siècle, notamment en ce qui a trait
à la capacité accrue de l'écoulement des flux à
l'intérieur de la ville?
Dans un premier temps, nous retraçons les principales étapes
du développement du réseau de l'entreprise Bell jusqu'en
1930 et mettant l'accent sur les rapports entre le développement
urbain et l'implantation du réseau dans les différentes parties
de l'agglomération. Dans la deuxième partie de ce texte,
nous analysons les pratiques de mise en marché du service. Pour
s'assurer du succès de son expansion commerciale, l'entreprise devait
convaincre les futurs abonnés de la validité de son service.
La formation d'un marché téléphonique a été
possible parce que les planificateurs privés du réseau ont
été capables d'adapter leur service aux besoins et aux goûts
des usagers, quoique leur conception limitative du service est restée
prédominante. Par conséquent, notre hypothèse est
que les usages sociaux de la téléphonie sont médiatisés
par les stratégies de mise en marché que formule la société
Bell.
Enfin, la troisième et dernière partie présente un
portrait des abonnés de la téléphonie montréalaise.
Qui sont-ils? À quel univers professionnel ou commercial appartiennent-ils?
Où sont localisées leur résidence et/ou leur place
d'affaires? Il s'agit ici de mettre en évidence les principaux éléments
qui interviennent dans la motivation des usagers à s'abonner au
service.
1. L'organisation des réseaux locaux: de la concurrence
au monopole
L'histoire du réseau téléphonique montréalais
est surtout marquée par la construction d'un monopole, celui de
la Compagnie de Téléphone Bell du Canada incorporée
en 1880. Dès les premières années d'exploitation du
nouveau service, les dirigeants de Bell ont mis en oeuvre des stratégies
qui visent à éliminer les concurrents(4).
Au moment de l'incorporation de l'entreprise, les privilèges octroyés
par les gouvernements fédéral et provincial lui procurent
d'imposants avantages: 1) la fabrication de l'équipement nécessaire
à la fourniture du service; 2) la construction, l'acquisition, l'entretien
et l'exploitation du système téléphonique; 3) la connexion
à d'autres réseaux téléphoniques et télégraphiques;
4) la construction de lignes le long de toutes les artères publiques,
à condition de respecter certaines restrictions relatives à
l'entretien et à la dimension des poteaux; 5) la fusion avec d'autres
compagnies téléphoniques(5). En allant
de cette façon chercher ses pouvoirs directement auprès des
paliers supérieurs de gouvernement, Bell se prémunit contre
une éventuelle réglementation municipale. Par ailleurs, au
cours de la période que nous étudions, les municipalités
obtiennent des nouveaux pouvoirs auprès du gouvernement provincial,
acquérant par le fait même une plus grande capacité
d'intervention relative à l'encadrement réglementaire des
activités des entreprises de services publics.
La configuration du réseau téléphonique
local et métropolitain
Entre 1880 et 1905, Bell a mis en service quatre (4) centraux téléphoniques
manuels localisés à l'intérieur des limites de l'espace
urbanisé et qui desservent les districts de la ville centrale: le
central Main, inauguré en 1880 (et relocalisé en 1886 et
en 1897) et situé en plein coeur du centre des affaires rue Notre-Dame,
le central Uptown (1887), le central East (1888) et le central Westmount
(1898) (tableau I et figure 1). En 1905, la plupart des 18 000
appareils connectés au réseau montréalais sont presque
tous situés dans un cercle de 4,5 kilomètres.
Aux quatre (4) centraux qui fournissent le centre de l'agglomération
montréalaise en service téléphonique, en 1910 on ajoute
le central Saint-Louis (renommé Belair en 1923). Ce central est
spécifiquement dédié aux ménages et aux entreprises
installés depuis peu dans les localités suburbaines de Saint-Louis
et d'Outremont (figure 2). Dans ce cas, il semble que la présence
des francophones, qui constituent la majorité des habitants de ces
municipalités, ne soit pas saisie comme un obstacle majeur. Au contraire,
les valeurs et les aspirations que Bell attribue aux membres de la classe
moyenne, notamment la recherche d'un milieu de vie salubre, facile d'accès
et bien desservi en services, constituent des motifs d'abonnement au téléphone.
En 1915, ce sont 51 000 postes téléphoniques que Bell
loue en territoire montréalais, incluant les municipalités
de banlieue. À certains moments, la planification de nouveaux centraux
téléphoniques destinés à combler une demande
croissante est prise en charge par les ingénieurs d'AT&T(6).
C'est le cas notamment de trois nouveaux centraux qui viennent compléter
le système téléphonique de l'agglomération
urbaine: le central LaSalle (renommé Clairval en 1923) érigé
à Maisonneuve en 1912, le central Rockland (renommé Atlantic
en 1924) qui dessert la clientèle habitant Côte-des-Neiges
et Outremont et le central Victoria (renommé York en 1923), situé
dans le partie sud-ouest de la ville et dont la construction est requise
par l'intensité des activités industrielles et commerciales
des alentours (figure 3).
Au cours de la Première Guerre mondiale, le programme d'équipement
connaît un certain ralentissement étant donné les moyens
financiers limités de la compagnie et un approvisionnement réduit
en matériaux. Aux lendemains du conflit armé, les conditions
économiques favorables au développement urbain suscitent
une nouvelle phase de construction des infrastructures. Entre 1915 et 1920,
le taux de croissance annuel est d'environ 4 000 appareils téléphoniques.
Néanmoins, ce chiffre demeure modeste si on le compare au taux annuel
de la période allant de 1925 à 1959: une moyenne de 15 000
postes téléphoniques s'ajoutent chaque année au système(7).
Le nombre d'appareils téléphoniques croît, en proportion,
plus rapidement que la population montréalaise. Entre 1910 et 1930,
le taux de croissance annuelle de la population est de 3,2 %, tandis
que le nombre d'appareils téléphoniques en usage à
Montréal augmente en moyenne de 9,6 % par année (figure
4). En 1930, il y avait 19 téléphones pour 100 habitants
alors que ce rapport était de six (6) téléphones pour
100 habitants en 1910(8) (tableau II).
En 1920, il y a dix (10) centraux téléphoniques qui distribuent
les appels (figure 5). Au nord, le central Calumet, situé
dans l'axe de la rue Saint-Denis, dessert les ménages nouvellement
installés dans les quartiers Rosemont et Villeray. Les besoins des
quartiers résidentiels périphériques commencent à
être mieux évalués. Ainsi, la partie du territoire
montréalais située au nord du mont Royal est beaucoup mieux
desservie en termes de téléphonie locale. Quant aux zones
urbanisées est et ouest situées à l'intérieur
des limites de la ville de Montréal, elles sont entièrement
couvertes par le réseau téléphonique.
Le central Walnut s'ajoute aux installations destinées aux villes
de la banlieue ouest de Montréal. Quant à lui, le centre-ville
est doté d'un nouveau central, le central Plateau situé rue
Ontario à l'angle de la rue Saint-Urbain. Lorsqu'il est inauguré
en 1921, ce central est spécifiquement destiné à désencombrer
les équipements manuels du centre-ville et des quartiers centraux
qui ont atteint leur pleine capacité.
L'automatisation du service téléphonique
Après avoir connu un taux de croissance fulgurant entre 1920 et
1924 -- atteignant 47,5 % par rapport aux vingt années
antérieures --, plus que jamais Bell est confrontée
à des impératifs de planification. D'ailleurs, un intérêt
accru pour une gestion rationnelle de la fourniture du service téléphonique
se reflète dans le discours et les pratiques des dirigeants de l'entreprise.
Au milieu de la décennie 1920, plusieurs centraux manuels ont atteint
leur capacité maximale d'écoulement des flux téléphoniques.
L'automatisation introduite à Montréal en 1925 sert de point
tournant. Pour diverses raisons(9), notamment des raisons
de standardisation et de rentabilité des installations, les dirigeants
de Bell optent pour cette technique de commutation perfectionnée
aux États-Unis par les ingénieurs d'AT&T et de Western
Electric. Introduite dans les années 1900 dans certaines villes
des États-Unis et d'Europe(10), cette technologie
n'est retenue pour le système montréalais qu'à partir
du moment où le réseau a atteint un niveau suffisant d'activités.
L'innovation est guidée par des impératifs liés aux
échanges économiques. Dès lors, l'entreprise subit
de profondes mutations qui affectent à la fois ses modalités
de gestion du réseau et ses choix technologiques concernant l'écoulement
du trafic. Avec les nouveaux centraux automatiques, l'abonné utilise
un appareil à cadran qui effectue le travail de recherche de l'interlocuteur
qu'il désire rejoindre.
Tout juste avant l'introduction de l'automatique, onze (11) centraux manuels
fournissent le service à quelques 138 000 appareils téléphoniques
que branchent 1 900 standardistes (soit une moyenne d'un peu plus
de 70 appareils chacune). En 1925, le central Lancaster -- construit en
contiguïté au central Plateau --, est le premier bâtiment
conçu pour recevoir des équipements de commutation automatique.
Bell souhaite être en mesure de convertir l'ensemble des équipements
de son réseau afin d'offrir le service automatique à tous
ses abonnés montréalais. Ce n'est toutefois qu'à la
fin des années 1950 que ce projet pourra être mené
à terme.
Entre les années 1920 et 1930, la croissance des quartiers situés
au nord du mont Royal et à l'ouest dans les municipalités
de Verdun et de LaSalle incite les ingénieurs de Bell à concevoir
des équipements de commutation additionnels. C'est que les centraux
Elwood et Crescent qui desservent les districts du nord-ouest ne fournissent
plus à la demande.
Le plan du réseau de 1930 (figure 6) permet de bien saisir
la situation qui prévaut au moment de l'automatisation du réseau.
Sur les seize (16) centraux en activité à Montréal,
dix (10) sont manuels alors que les six (6) centraux automatiques desservent
surtout l'important marché du centre-ville. De plus, environ 48 %
des appareils en usage sont à cadran. L'automatisation permet également
l'abandon progressif des premiers centraux manuels montréalais devenus
excédentaires et désuets.
Pour résumer, on peut dire qu'au fil des ans, l'organisation des
centraux s'est considérablement modifiée sans que la configuration
du réseau ne soit transformée en profondeur. Les centraux
qui desservaient auparavant le centre-ville sont remplacés par un
seul bâtiment, le central Lancaster situé rue Ontario. Dans
la partie centre-ouest de la ville, les centraux Uptown et Westmount sont
eux aussi remplacés, au cours des années 1930, par un central
automatisé, le central Wilbank. En 1926, la construction du central
automatique Cherrier, situé rue Amherst, vient compléter
l'équipement de la zone est. À Ville Saint-Laurent, le central
Bywater est mis en service temporairement, le temps que les nouveaux centraux
automatiques prennent le relais: Dupont et Elwood qui desservent le territoire
urbanisé comprenant les parties nord-ouest et nord-est de l'île
de Montréal, y inclus Hampstead, Notre-Dame-de-Grâce, Ahunstic
et Montréal-Nord.
Au total, la croissance de la production et de la consommation des services
téléphoniques à Montréal dans les cinquante
années que nous étudions est considérable. Après
la Première Guerre mondiale, les facteurs de cette hausse sont multiples:
reprise des activités économiques, poursuite de l'urbanisation,
adoption de plus en plus large du téléphone comme outil de
communication interpersonnelle et, enfin, efforts déployés
par Bell pour moderniser son service afin de le rendre plus accessible.
La décision prise par Bell d'automatiser une partie de ses équipements
a, de ce point de vue, valeur de symbole. Cette nouvelle approche modifie
la nature de l'offre qui, en revanche, détermine l'essor décisif
de la consommation. On peut d'ailleurs faire l'hypothèse que le
service automatique satisfait davantage les besoins linguistiques de la
population francophone étant donné que, du coup, à
tout le moins dans le cas des appels locaux, les mésententes avec
les standardistes unilingues anglophones cessent d'exister.
Cette description du réseau montréalais permet de comprendre
quel est le type de solution qui a été privilégiée
par Bell en ce qui a trait aux stratégies d'expansion. Un aspect
majeur se dégage: le développement du réseau téléphonique
suit les tendances du développement urbain. Jamais un central n'est
construit tant que Bell n'est pas convaincue de la solvabilité du
marché. C'est ce qui explique que, compte tenu de leur faible densité,
les villes de la banlieue éloignée de Montréal n'ont
pas accès, d'une manière précoce, au service téléphonique
local. Bien que les ménages et les entreprises localisés
dans ces villes sont desservis par le réseau de Bell par le biais
d'ententes faites avec de petites entreprises qui y opèrent des
équipements de commutation téléphonique, ils doivent
assumer les frais élevés des appels interurbains.
À la fin de 1929, la construction de centraux supplémentaires
est interrompue à cause des conditions économiques difficiles
qui frappent les marchés mondiaux. Jusque là, l'ampleur des
infrastructures et des équipements est impressionnante: acquisition
de terrains (21 propriétés) et de bâtiments (19 structures),
mise en service de six (6) centraux automatiques et de sept (7) centraux
manuels, enfouissement de plus de 863 941 milles de fils, dont 742 241
milles de câbles souterrains(11). Le rôle
national rempli par la compagnie et par sa filiale qui fabrique des équipements,
Northern Electric, lui permet également d'occuper une place importante
dans le paysage urbain montréalais. De ce point de vue, l'inauguration
du nouveau siège social de Bell en 1930 vient clore une longue phase
de développement du réseau téléphonique. Ce
sont là les principaux signes manifestes et durables de l'enracinement
des activités de l'entreprise dans la société montréalaise.
Qui plus est, à partir des années 1920, les opérateurs
du réseau téléphonique ont une vision assez nette
des possibilités d'expansion du réseau. Cela est manifeste,
entre autres, dans les techniques de promotion mises de l'avant par les
concepteurs du réseau.
Vendre un nouveau service
Lors de l'exposition universelle de Philadelphie de 1876, Alexander
Graham Bell a présenté pour la première fois au public
ses appareils téléphoniques. Par la suite, plusieurs démonstrations
publiques ont été organisées par Bell et ses associés(12).
Des articles et des ouvrages de vulgarisation scientifique qui tentent
de prévoir les nombreuses applications dans la vie quotidienne de
l'innovation technologique ont été publiés à
partir des années 1880.
Les applications du nouvel instrument de communication à distance
constituent des thèmes privilégiés des premières
campagnes de promotion: la conquête des distances et du temps, le
triomphe de la technique et de la science sur la nature, la réduction
des iniquités territoriales, la réconciliation des antagonismes
sociaux dus aux faiblesses des moyens traditionnels de communication, etc.
Bref, des sujets et des utopies qui ont alimenté l'imaginaire collectif
et qui étaient propagés par les expositions universelles
ainsi que par la littérature de vulgarisation scientifique.
En fait, la fascination dont fait l'objet le dévoilement des nouveautés
technologiques dans la seconde moitié du XIXe siècle n'est
pas due à un concours de circonstances. On peut qualifier de véritables
coups de théâtre ces événements destinés
à attirer l'attention du public(13). Ils sont
organisés d'une manière stratégique par des inventeurs-entrepreneurs
qui sont convaincus du potentiel commercial des objets en question.
Toutefois, il faut attendre l'établissement d'entreprises téléphoniques
en 1879 et 1880 pour voir se constituer des applications concrètes
et permanentes. Avec l'essor des premiers réseaux téléphoniques,
le téléphone change de nature. Son adoption rapide par des
industriels, des commerçants, des professionnels et des responsables
publics lui donne un statut qui dépasse celui d'objet de curiosité
et de divertissement capable d'émerveiller les foules. À
cet égard, les entreprises distributrices du nouveau service de
communication à distance prennent conscience, et ce, de manière
hâtive, de l'importance de faire la démonstration de l'utilité
du service.
Bell et la promotion du téléphone
D'emblée, il faut souligner que les diverses méthodes de
vente employées par Bell à Montréal se sont largement
inspirées des techniques promotionnelles d'AT&T aux États-Unis.
Ces entreprises ont fait appel à des techniques de vente éprouvées
ainsi qu'à une panoplie d'outils de promotion: cartes postales et
dépliants distribués auprès de clients potentiels,
publicité dans les périodiques et les journaux, porte à
porte et démarchage, stands et vitrines d'exposition, semaines spéciales
au cours desquelles les gens sont invités à visiter les installations
téléphoniques, fourniture gratuite du service à quelques
individus et établissements, etc. Tous les moyens étaient
valables pour faire entrer le téléphone dans la vie quotidienne
des citadins et des banlieusards.
Avant 1905, la Compagnie de Téléphone Bell du Canada n'a
pas fait usage de campagnes de publicité systématiques à
Montréal(14). Néanmoins, dès
le début de ses activités commerciales, Bell a fait appel
à la publicité, d'une part, pour faire connaître les
avantages du nouveau service et, d'autre part, pour «éduquer
les abonnés»(15).
L'emploi de la publicité à des fins éducatives servait
à contrôler les comportements des abonnés. C'est que,
plus qu'un objet de communication, la compagnie offrait d'abord un service.
Autrement dit, l'objet proposé n'était pas une marchandise
mais un ensemble d'engagements mutuels. Dès lors, des règles
et des codifications ont dû être intégrées peu
à peu au raisonnement promotionnel: pour bénéficier
du service, le public devait adopter une conduite appropriée. Au
tournant du siècle, on retrouvait ces règles et ces contenus
disciplinaires notamment dans les annuaires téléphoniques
et dans les contrats qui liaient l'abonné au fournisseur.
L'évolution au fil des ans des règlements est significative
de la manière dont Bell définissait son rôle et son
rapport à l'abonné. Dans les années 1880 et 1890,
il est incontestable que le service téléphonique était
perçu comme un service dédié aux individus qui avaient
acquis une certaine «maîtrise» du langage (diction, débit,
qualité, tonalité, etc.). À la fin du XIXe siècle
et au début du XXe siècle, les campagnes de publicité
intégraient, d'une manière très claire, cette dimension
élitiste. Bien que l'entreprise favorisait l'établissement
d'une relation personnalisée avec l'abonné, notamment dans
le but d'évaluer sa satisfaction, cette proximité servait
d'abord à limiter les irrégularités potentielles (par
exemple, l'utilisation d'un langage incorrect ou encore l'usage des appareils
par les non-abonnés). Dès lors, si elle cultivait des liens
avec sa clientèle, ce n'est pas tant pour être en mesure de
combler toutes ses attentes que de prévenir l'apparition de comportements
déviants.
Selon les véhicules utilisés pour la publicité, les
finalités de l'entreprise pouvaient varier: informer le public en
général de ses activités, de ses plans de développement
et de ses politiques, mettre en valeur le travail accompli par ses employés,
encourager la coopération entre l'entreprise et les abonnés,
rendre compte des investissements et des bénéfices auprès
des actionnaires, etc. En fait, cette conception des fonctions multiples
de la publicité était propre aux entreprises nord-américaines
de services publics(16).
Dans les années 1900, compte tenu des hostilités croissantes
qui provenaient des municipalités à l'endroit des monopoles
de services publics, les entreprises de services publics ont dû revoir
leurs stratégies de marketing. Bell cherchait à contrer les
critiques qui nuisaient à son image publique. C'est pourquoi l'entreprise
montréalaise reprend à son compte, à partir des années
1910, la notion de relations publiques (nommée aussi campagnes publicitaires
institutionnelles ou publicité d'intérêt public) mise
de l'avant par la société AT&T. Cette période
coïncide avec un glissement significatif en ce qui a trait à
l'influence de la publicité. Les grands entreprises de téléphone
nord-américaines favorisent alors l'usage de campagnes de promotion
à l'échelle nationale dans le but de rétablir, en
leur faveur, le débat entre les tenants d'une gestion privée
monopolistique du service et ceux qui sont favorables à l'introduction
de la concurrence privée ou encore à la gestion publique.
Par conséquent, ce changement d'approche promotionnelle s'inscrit
dans un contexte sociopolitique particulier, à l'intérieur
duquel les municipalités revendiquent plus de pouvoir afin d'encadrer
les activités des entreprises privées de services publics.
Dans cette conjoncture, c'est toute la fonction de la publicité
qui est revue à partir des besoins institutionnels de l'entreprise.
Cette dernière rompt avec la définition traditionnelle et
simplifiée de la publicité comme un instrument de vente et
d'éducation. Ainsi, aux États-Unis, les dirigeants d'AT&T
font appel à l'agence de publicité N.W. Ayer & Son --
qui est l'une des plus importantes agences de publicité du pays
--, pour mener à terme un projet de valorisation de leur image publique(17).
Cette stratégie institutionnelle, qui met de l'avant les fonctions
et la mission de l'entreprise, est aussi présente chez Bell à
Montréal(18). C'est que l'opposition aux pratiques
monopolistiques est également forte à Montréal, en
particulier entre les années 1900 et 1920. Pour contrer les oppositions
populaires à son endroit, Bell choisit d'adopter la perspective
institutionnelle dès les débuts de la Première Guerre
mondiale. Elle profite alors d'un certain ralentissement dans la demande
pour valoriser la nature publique de son service.
À la fin des années 1920, aux États-Unis et au Canada,
les principaux fournisseurs privés du service téléphonique
implantent une politique de vente plus agressive, dont les stratégies
seront plus que jamais poursuivies dans les années 1930(19),
c'est-à-dire au cours d'une période qui connaît un
déclin important dans le taux d'abonnements, voire une perte nette.
À ce moment, la publicité redevient un objet de sollicitation
directe: son objectif premier consiste à vendre le service téléphonique.
Durant les années de crise, l'entreprise montréalaise est
aussi aux prises avec une baisse du nombre de ses abonnés. Elle
est forcée de revoir certaines de ses stratégies commerciales.
3. La nature de la demande
Par comparaison avec d'autres grands centres urbains nord-américains
et surtout européens, on peut dire qu'à Montréal l'usage
de la téléphonie a progressé rapidement. Malgré
ses imperfections techniques, malgré sa cherté et malgré
une organisation urbaine dense qui bénéficie de moyens de
communication assez diversifiés et efficaces, les années
1880-1900 voient se propager l'usage du nouvel outil de communication d'affaires
et interpersonnelle. Aux lendemains de la Première Guerre mondiale,
le taux de croissance des abonnements atteint de nouveaux sommets. D'après
les statistiques compilées chaque année à partir de
1922 par AT&T, à l'échelle mondiale, le marché
montréalais de la téléphonie se classe en 1922 au
13e rang avec en moyenne dix (10) téléphones pour 100 habitants
(figure 7).
Toutefois, par rapport à une autre grande ville canadienne comme
Toronto, le nombre de téléphones pour 100 habitants demeure
moindre à Montréal. Alors qu'à Toronto en 1929, on
retrouve 27,5 téléphones pour 100 habitants, Montréal
n'en compte que 18,9(20). Cet écart est sans
doute le reflet des différences de niveaux de richesse qui prévalent
dans les deux agglomérations. D'ailleurs, le pouvoir d'achat plus
limité des ménages montréalais est bien connu des
opérateurs privés des réseaux techniques urbains,
notamment les fournisseurs d'électricité(21).
Une étude effectuée par une grande entreprise québécoise
productrice d'électricité souligne qu'en 1929, Montréal
est la ville du Québec où le téléphone est
le plus répandu(22). En moyenne, 24 %
de la population montréalaise est abonnée au service téléphonique(23).
De manière comparative, à Toronto, c'est un peu plus de 33 %
des habitants qui sont abonnés.
Malgré les écarts qui existent entre les marchés torontois
et montréalais, il n'en demeure pas moins qu'à l'échelle
internationale, dans l'ensemble Montréal n'est pas en retard par
rapport à un échantillon de grandes villes, concernant l'adoption
du service téléphonique. Comme on peut le voir à partir
de la figure 8, en 1929, les villes états-uniennes ont pris
une avance très importante sur les principales métropoles
européennes. La ville de Stockholm constitue toutefois une exception.
En ce qui a trait à Montréal, on note que cette ville évolue
plus ou moins en parallèle avec des villes de pays nordiques comme
Copenhague au Danemark et Oslo en Norvège. Quant aux métropoles
européennes, comme Paris, Berlin, Londres, Amsterdam et Glasgow,
la diffusion du téléphone y est beaucoup plus faible. Cette
progression différentielle du taux d'abonnement à partir
de la fin de la Première Guerre mondiale en fonction des contextes
nationaux fait appel à divers facteurs. Aux États-Unis, les
dirigeants d'AT&T insistent sur la corrélation forte entre le
niveau d'abonnement et la gestion privée du service téléphonique
(figure 9). Compte tenu de sa conception de la nature du service,
l'évaluation proposée de la gestion privée du service
téléphonique mise de l'avant par ce groupe d'acteurs va de
soi. On peut aussi mentionner comme éléments clés
de la rapide progression du service téléphonique en Amérique
du Nord, la capacité des entreprises à combler rapidement
la demande croissante, de même que l'établissement, dès
le départ, du principe du nombre illimité d'appels à
taux fixes en ce qui a trait au service local, bien que ce coût demeurait
relativement élevé(24).
En réalité, il est difficile de s'en remettre à un
seul facteur pour expliquer l'implantation et le développement du
service téléphonique dans certains milieux urbains. Outre
des obstacles de nature institutionnelle et juridique, des conditions sociales
et économiques permettent de comprendre le retard de l'Europe sur
les États-Unis. À cet égard, certains ont souligné
le caractère particulier de l'urbanisation et de l'industrialisation(25).
Dans une étude comparative sur la diffusion du service téléphonique
en Europe, Jean-Claude Boyer(26) dégage deux
types de «profils» urbains favorables à la croissance
du téléphone à la fin du XIXe siècle: 1) les
villes de gros commerces et d'affaires, les ports maritimes, les points
forts de la trame urbaine préindustrielle et les villes très
peuplées; 2) les centres industriels et en particulier les centres
de textile. En revanche, le profil peu favorable à l'adoption rapide
de la nouvelle technologie correspond à des villes assez bien placées
dans la hiérarchie démographique de même que les anciennes
capitales de province peu touchées par l'industrialisation. Autrement
dit, le dynamisme industriel d'une localité et d'une région
constitue le facteur déterminant en ce qui a trait à la formation
des premiers réseaux de téléphone et à leur
développement rapide.
Compte tenu de leur position privilégiée à l'intérieur
de l'organisation industrielle nord-américaine, la ville de Montréal
-- et en particulier son coeur financier et industriel --, ont favorisé
la réussite d'un programme d'implantation d'infrastructures téléphoniques.
Si la vitalité industrielle et commerciale a stimulé la demande
sociale et l'ensemble du marché de la téléphonie,
le cadre politico-institutionnel à l'intérieur duquel ceux-ci
ont évolué a aussi joué un rôle important. En
effet, pour un opérateur de réseau, il est indispensable
d'avoir l'accord de la municipalité pour obtenir des droits de passage
et utiliser les voies publiques. C'est dire que des conditions favorables
aux projets d'équipement doivent être en place pour l'implantation
du réseau.
Il n'en demeure pas moins que, selon un autre point de vue, le fait de
s'abonner au téléphone est d'abord un choix individuel dont
les motivations sont difficiles à saisir. Ainsi, la capacité
qu'ont les entreprises de services publics à convaincre les gens
d'adopter les nouveautés demeure un élément clé
de leur performance. En plus de posséder une bonne culture technique
et d'être des hommes d'affaires capables de mobiliser des sommes
d'argent importantes, les entrepreneurs doivent savoir d'une part, fidéliser
une clientèle et, d'autre part, persuader les non-abonnés
de la valeur du service.
Au tournant du siècle, pour la plupart des ménages, l'abonnement
au téléphone n'allait pas de soi. Au sein de l'univers domestique
victorien, des habitudes de communications interpersonnelles, notamment
les visites et les échanges écrits, étaient solidement
établies. Ce n'est que d'une manière graduelle que les communications
téléphoniques se sont implantées dans la sphère
privée des demeures. En contrepartie, dans le cas des entreprises,
des commerces et des institutions, le service téléphonique
a été rapidement reconnu comme un auxiliaire utile aux méthodes
de communication existantes. Plus que les échanges interpersonnels,
dans un premier temps, ce sont les échanges de nature professionnelle
qui profitent de la manière la plus visible et hâtive de l'essor
de la téléphonie urbaine.
Avant 1900, le portrait général est assez facile à
dresser étant donné que le nombre d'abonnés demeure
restreint et circonscrit sur le plan spatial. Par contre, au début
du XXe siècle, la croissance dans le taux d'abonnement rend les
choses plus difficiles à cerner. C'est pourquoi nous avons fait,
pour la période de 1900 à 1930, une analyse de clientèles
mieux définies sur les plans spatial et social. Celle-ci nous permet
d'effectuer une description plus fidèle du marché montréalais.
Les modèles de diffusion qui s'en dégagent nous permettent
d'une part, de décrire la pénétration graduelle de
la nouvelle technologie dans la vie sociale et économique et, d'autre
part, de soulever quelques interrogations quant aux facteurs explicatifs
de ce phénomène.
Les premiers abonnés à Montréal
Avant 1900, l'abonnement au téléphone demeurait un phénomène
somme toute marginal chez les ménages. Cependant, il représentait
un atout certain pour les gens d'affaires, étant donné qu'il
leur permettait de communiquer depuis leur domicile avec leur lieu de travail
ou encore avec des clients. Cette situation était assez usuelle
en 1880 comme l'indique le tableau III où est dénombré
le nombre de demeures connectées au réseau téléphonique
et dont l'occupant principal avait aussi le service téléphonique
à sa place d'affaires.
Au moment de son introduction jusqu'à la fin des années
1900, le téléphone était utilisé par une clientèle
commerciale et d'affaires de la ville centrale. En fait, au tout début,
les clients les plus importants du service téléphonique étaient
les clients du service télégraphique. Qui plus est, à
Montréal, la localisation centrale était une variable déterminante.
C'est que les avantages intra-urbains des communications téléphoniques
demeuraient nombreux (tarifs fixes, possibilité de rejoindre un
grand nombre d'abonnés, rapidité du service, etc.).
Les abonnés montréalais, de 1900 à 1930: portions
de rues et consommation du téléphone (figure 10 et
tableaux IV à XII)
Pour mieux cerner l'évolution de la consommation du service téléphonique
à Montréal, on peut considérer les pratiques différentielles
des utilisateurs du réseau compte tenu de leur localisation dans
l'espace urbain. De prime abord, l'accent est mis sur la diversité
de la population montréalaise. L'objectif est de comparer la situation
des différentes catégories d'abonnés à partir
de leur localisation spatiale tout en tenant compte de leurs caractéristiques
socio-économiques. Afin de repérer les abonnés, nous
avons utilisé les annuaires Lovell (Lovell's Montreal
Directory) et les annuaires téléphoniques de Bell du
mois de juillet pour les années 1900, 1910, 1920 et 1930. La comparaison
du taux d'abonnement chez des groupes restreints d'individus en fonction
de leurs lieux de résidence et de leurs places d'affaires nous fournit
un certain nombre d'indices quant à la distribution sociospatiale
du service téléphonique.
Nous avons choisi de prélever des sections de rue dans plusieurs
quartiers montréalais et dans la proche banlieue de la ville(27)
dans le but de tenir compte de l'hétérogénéité
de la population de ces milieux de vie(28). Par ailleurs,
ces artères ont été retenues parce que leurs caractéristiques
urbaines et géographiques sont également variées:
résidentielles haut de gamme, résidentielles moyen de gamme,
résidentielles ouvrières, commerciales à rayonnement
métropolitain, commerciales de quartier, mixtes, etc. En outre,
plus on avance dans le XXe siècle, plus les spécificités
des secteurs résidentiels et d'affaires tendent à s'intensifier.
Peu à peu, les groupes sociaux se différencient les uns des
autres dans l'espace: 1) anglophones, francophones et allophones; 2) ouvriers,
cols blancs, notables et dirigeants d'entreprise. Il en va de même
en ce qui a trait aux activités urbaines dont les différenciations
qualitative et spatiale s'accroissent avec le temps, compte tenu de la
transformation du processus d'urbanisation.
Quelques éléments comparatifs
Quelles sont les tendances générales qui se dégagent
de la pénétration circonstanciée du téléphone
à Montréal entre 1900 et 1930? Au fur et à mesure
de cette analyse, quelques constatations relatives aux caractères
distincts des abonnés ont été mises en lumière.
Celles-ci portent sur des aspects particuliers, à savoir l'appartenance
à un groupe socio-économique et à un groupe linguistique,
la présence de certains types d'habitation de même que la
localisation à l'intérieur de l'agglomération.
Les premières années de l'histoire de l'usage du téléphone
sont essentiellement marquées par la prédominance des industriels,
des commerçants et des professionnels. Ce sont ces catégories
sociales qui sont d'abord les principaux abonnés. La communauté
des financiers et des banquiers est aussi très intéressée
par le nouvel outil de communication à distance.
D'une manière générale, on peut dire que, de 1900
à 1910, la consommation du téléphone dans l'agglomération
montréalaise donne une certaine image de l'attrait pour la nouvelle
technologie. Un des traits les plus frappants est l'importante progression
du service et ce, parmi presque tous les groupes que nous avons recensés.
La décennie suivante -- entre 1910 et 1920 -- présente des
conditions différentes. Certaines sections de rue sélectionnées
sont marquées par un phénomène de densification tant
résidentielle que commerciale. Par rapport au dynamisme de l'urbanisation,
on peut dire que la consommation du service téléphonique
évolue moins vite. C'est que les années de guerre ont eu
des effets sur l'offre du service téléphonique. De surcroît,
aux lendemains de la Première Guerre mondiale, l'essor du téléphone
urbain a une ampleur que les dirigeants et les ingénieurs de Bell
n'avaient pas escomptée correctement. Nous sommes ici en présence
d'une situation particulière: Bell n'arrive pas à combler
la demande. Elle est en quelque sorte victime de la popularité du
service qu'elle offre. De plus, dans certains secteurs (entre autres la
section retenue du boulevard Saint-Joseph), la demande pour les connexions
surpasse la capacité de commutation -- tâche effectuée
par les standardistes. Compte tenu du nombre impressionnant de lignes qu'elles
ont sous leur contrôle, il devient de plus en plus difficile pour
elles de compléter tous les appels téléphoniques.
Cela nuit à la qualité du service.
L'automatisation du service s'avère un moyen efficace pour surmonter
ces imperfections. Ainsi, dans la seconde moitié des années
1920, la mise en place du service automatique se traduit par une hausse
importante des abonnés résidentiels dans certains quartiers
suburbains. En même temps, nous constatons que le service est de
plus en plus répandu auprès de la classe moyenne.
La dernière décennie analysée (1920-1930) est marquée
par la poursuite de la progression des abonnements, sauf dans quelques
cas où le téléphone se retrouvait déjà
chez plus de 90 % des occupants. Toutefois, au cours de la dernière
année recensée, il commence à se manifester un certain
ralentissement. Cette baisse est due à la crise économique
de 1929. Bien que la période retenue ne nous permet pas de mesurer
avec précision l'importance du phénomène, des études
postérieures(29) démontrent que c'est
seulement après la Seconde Guerre mondiale que le taux de pénétration
du service téléphonique dans l'agglomération montréalaise
atteint un niveau comparable au plus fort taux qui est celui de la fin
des années 1920 (figure 11).
Appartenance sociale et linguistique et formule d'habitation
Au sujet du service résidentiel, notre analyse démontre que
l'appartenance à un groupe social a été déterminante
dans l'adoption du téléphone. Ainsi, comme l'illustrent les
exemples de la rue Saint-Ferdinand et de certains «plex» du
boulevard Pie-IX, la présence du service téléphonique
dans les ménages ouvriers était très limitée
dans les années 1900 et 1910. Par contre, au cours des années
1920, on note une légère hausse des abonnements parmi ces
derniers. Cependant, la crise économique qui sévit à
partir de 1929 est venue retarder la progression du niveau de consommation
du service chez ceux qui ne l'avaient pas encore.
En fait, lors des périodes de croissance de la demande, celle-ci
ne provient pas des milieux ouvriers. Ce sont surtout les ménages
appartenant à la classe moyenne qui sollicitent l'accès au
service. Bon nombre d'éléments expliquent cette tendance
qui persiste pendant plusieurs décennies, notamment le peu d'intérêt
porté par Bell à la classe ouvrière. Il n'en reste
pas moins que c'est le coût du service qui demeure sans conteste
le facteur le plus important.
Les écarts nets entre les niveaux d'abonnement chez les différentes
classes sociales nous incitent à conclure que la connexion physique
implique aussi une certaine forme de connexion sociale(30).
Cette distance est particulièrement frappante au tout début
du XXe siècle alors que nous avons l'impression de rencontrer, parmi
les abonnés au téléphone, un groupe assez limité
et distinct d'individus: dirigeants d'entreprises, médecins, banquiers,
avocats, manufacturiers.
Les ménages les plus nantis, c'est-à-dire ceux qui vivent
à Westmount, ont rapidement adopté l'outil de communication
à distance. Il en va de même pour les occupants de l'immeuble
d'appartements du quartier Saint-Antoine. Deux typologies résidentielles
très différentes (unifamiliale et collective), deux localisations
spatiales distinctes (urbaine et suburbaine), alors que l'on y constate
le même engouement pour l'innovation technologique. Ainsi, la forte
proportion de dirigeants d'entreprises qui habitent tant à Westmount
que dans l'immeuble d'appartements Linton se traduit par une consommation
appréciable du téléphone. À cet égard,
on peut dire que la valeur du téléphone comme outil de communication
professionnelle est manifeste.
L'intérêt du téléphone pour les occupants de
l'immeuble d'appartements Linton et pour ceux des grandes maisons unifamiliales
et des maisons contiguës de la Côte-Saint-Antoine est attesté
par les pourcentages élevés d'abonnés qui y sont observés
et cela, plus rapidement que dans le cas des autres artères résidentielles
recensées comme l'avenue Laval et le boulevard Saint-Joseph. Par
rapport à Westmount, cet élan initial et soutenu est révélateur:
plusieurs individus ont compris que le téléphone appartient
désormais aux éléments de bien-être et de commodité
caractéristiques des modes de vie urbaine et suburbaine modernes.
Les communications téléphoniques s'insèrent bien dans
l'assortiment des nouveaux systèmes techniques mis en place à
partir de la fin du XIXe siècle, notamment le tramway, l'énergie
électrique pour l'éclairage et, plus tard, l'automobile.
C'est que le développement des technologies nouvelles de même
que leurs applications sont favorables à la réalisation d'un
milieu de vie salubre, c'est-à-dire éloigné des nuisances
de la ville. L'idée même de cette possibilité est sans
doute suffisante pour convaincre les gens d'adopter la nouvelle culture
technique à la lumière de la sensibilité que manifestent
certains groupes sociaux à l'endroit des inconvénients des
villes industrielles tel que cela est exposé dans le discours urbanistique
à l'époque.
Aux avantages de salubrité s'ajoutent ceux reliés à
la suppression des contraintes spatiales. Même si les individus avec
lesquels les abonnés entretiennent des rapports sociaux ou professionnels
sont dispersés géographiquement, le fait d'avoir un accès
immédiat par téléphone annule la nécessité
d'un environnement construit à partir de rapports de proximité.
Le téléphone permet une communication d'agglomération
que Bell définit sous l'angle de rapports d'échanges qui
s'établissent à l'intérieur d'un groupe d'intérêts
(«community of interest»).
La prédominance des anglophones parmi les abonnés au téléphone
est aussi remarquable. Par ailleurs, après les années 1920,
les écarts relatifs au taux d'abonnement entre les deux groupes
linguistiques dominants s'amenuisent. Cela confirme l'hypothèse
que l'automatisation permet à un plus grand nombre de francophones
d'utiliser le téléphone à leur aise. C'est ce qui
explique qu'à partir de ce moment, les habitants francophones des
boulevards Saint-Joseph et Pie-IX possèdent beaucoup plus d'abonnements
au téléphone qu'au cours des années précédentes.
En ce qui a trait à la demande spécifiquement féminine,
notre analyse tend à démontrer qu'à l'inverse d'une
certaine idée reçue, le lien entre le téléphone
et le groupe des femmes n'est pas si évident. Ainsi, les veuves
et les célibataires n'ont pas plus le téléphone que
les autres abonnés masculins. Il n'en demeure pas moins que les
informations recueillies ne nous permettent pas de dresser un portrait
complet de la situation. Ces résultats doivent être combinés
à des informations relatives à la composition détaillée
des ménages.
Localisation centrale et périphérique
En ce qui concerne le facteur de localisation, nous constatons que les
abonnés résidentiels situés dans les quartiers centraux
sont plus susceptibles d'avoir le téléphone et ce, essentiellement
pour des raisons de desserte. La différence du taux d'abonnement
entre le centre et la périphérie est très importante
en 1900 mais elle s'atténue au cours des années 1920. Il
faut dire que ce qui était auparavant considéré comme
un territoire suburbain en 1900 ne l'est plus en 1920. C'est le cas notamment
des municipalités de Saint-Henri, de Saint-Louis et de Maisonneuve.
Pour ce qui est du service commercial, ce dernier connaît une première
phase de diffusion beaucoup plus importante que le service résidentiel.
Par contre, sa demande se stabilise plus rapidement. Comme nous l'avons
souligné, en 1930, presque tous les commerces et tous les bureaux
d'affaires situés sur les artères commerciales analysées
sont connectés au réseau téléphonique.
Pour autant, l'adoption du nouvel outil de communication à distance
a t-elle joué un rôle déterminant dans la localisation
périphérique des entreprises? La réponse à
cette question est à la fois affirmative et négative. D'une
part, les premiers abonnés au service téléphonique
ont retenu le service justement parce que celui-ci leur permettait de relier
différentes unités de production, de direction et de distribution
dispersées dans l'espace de l'agglomération. Dès lors,
on ne peut pas dire que le téléphone a occasionné
la déconcentration des activités. D'autre part, à
partir du moment où la validité du service téléphonique
comme service de liaison immédiate et permanente est démontrée,
les choix de localisation ne s'effectuent plus en fonction des mêmes
critères. Dans cette perspective, on peut dire que le téléphone
tient lieu de force centrifuge. En fait, à moyen et à long
termes, c'est une combinaison de facteurs (terrains moins coûteux,
réseaux de transport et de communication plus efficaces, proximité
de la main-d'oeuvre, réglementation de zonage plus permissive, etc.)
qui encourage la déconcentration des activités de production,
de direction et de distribution sur le territoire de l'agglomération
montréalaise. À cet égard, le téléphone
s'inscrit dans un mouvement général de modernisation et de
transformation de l'espace urbain.
Conclusion
À la fin des années 1920, la Compagnie de Téléphone
Bell du Canada est parvenue, par le biais d'une stratégie commerciale
efficace, à conquérir des groupes spécifiques de Montréalais.
Pour favoriser la consommation du service téléphonique, les
dirigeants de l'entreprise et les spécialistes de la mise en marché
ont choisi de diffuser, dès les années 1880, des publicités
consacrées à l'éducation du public de même qu'à
la description du fonctionnement du réseau téléphonique.
Ainsi, les opérateurs du réseau ont avant tout misé
sur une initiation à la téléphonie -- en insistant
sur sa validité -- pour faire la promotion du service.
L'impact de la publicité sur les pratiques de consommation du service
téléphonique se manifeste surtout au cours des années
1880 à 1900. Elle s'adresse aux gens d'affaires et à un public
«cultivé», capable de se conformer aux exigences d'un
nouvel objet technique dont les applications et le fonctionnement sont
encore à définir.
Il n'en demeure pas moins qu'à l'intérieur du système
technico-économique, les abonnés et les consommateurs conservent
une certaine marge de manoeuvre. Leur créativité se fait
valoir notamment par le biais de l'adaptation de l'objet technologique
à leurs besoins individuels, comme en témoigne la variété
des modèles de diffusion que nous avons présentés.
En ce sens, la technologie n'est pas unidimensionnelle. Bien qu'elle soit
favorable à certaines clientèles, l'offre du service téléphonique
a fait l'objet d'un processus d'interprétation socioculturelle.
Par conséquent, afin de comprendre la portée de la nouvelle
technologie, au-delà des comportements prescrits par la publicité,
il faut tenir compte aussi de la nature de la demande sociale. Les applications
domestiques et professionnelles de l'outil de communication à distance
sont diversifiées: le téléphone connecte le dirigeant
d'entreprise à son domicile; il relie les professionnels à
leurs clients; il reconstruit des réseaux de sociabilité;
il facilite la gestion quotidienne de la maison; il fournit la condition
technique de réalisation d'un environnement métropolitain
ou suburbain, au gré des attentes, voire des aspirations individuelles,
etc.
Bien entendu, il est difficile de déterminer si la consommation
de certains objets techniques comme le téléphone relève
d'un besoin strictement instrumental ou s'il fait partie des pratiques
de «consommation ostentatoire». Dans le deuxième cas,
nous pensons à des pratiques qui favorisent un style de vie ou un
mode de comportement à imiter, susceptibles, peu à peu, d'être
diffusés à travers des segments plus vastes de la société.
À cet égard, notre portrait des abonnés montréalais
a mis en lumière un phénomène de médiation
entre les opérateurs du réseau et ses usagers. Il reste que
les rapports des usagers à la technique prennent souvent un autre
sens que celui que lui confèrent au départ les opérateurs
privés.
Après la Première Guerre mondiale, alors qu'émergent
des besoins de promotion et de vente du service, l'entreprise de téléphone
n'hésite pas à modifier ses stratégies. Elle fait
appel à l'imaginaire et à l'utopie, bien que le contenu de
ces idéaux soit marqué de nombreux biais culturels et idéologiques.
Bell tente de convaincre les abonnés que le téléphone
modifie leurs rapports à l'espace et au temps en leur donnant un
accès immédiat et continu à la «ville réticulée».
Pour ceux qui savent tirer profit des avantages de la connexité,
la vie quotidienne en milieu urbain ou suburbain devient sans doute plus
commode et plus confortable.
NOTES
1. Ce texte reprend des éléments d'analyse qui sont présentés dans une thèse de doctorat intitulée «La construction des réseaux dans la ville: l'exemple de la téléphonie à Montréal, de 1879 à 1930», Faculté de l'aménagement, Université de Montréal, septembre 1996, 484 p. L'auteur tient à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada ainsi que l'Université de Montréal pour son appui financier.
2. Au sujet de la question des liens institutionnels entre la compagnie AT&T et Bell Canada voir: Taylor, G.D. 1990. «Charles F. Sise, Bell Canada, and the Americans: A Study of Managerial Autonomy, 1880-1905». In The Developement of Canadian Capitalism (Essays in Business History), edited by D. McCalla, 145-166. Toronto: Copp Clark Pitman Ltd.
3. À ce sujet voir: Stone, A. 1991. Public Service Liberalism (Telecommunications and Transitions in Public Policy). Princeton: Princeton University Press.
4. Martin, M. 1991. "Hello, Central?" Gender, Technology and Culture in the Formation of the Telephone Systems. Montreal and Kingston: McGill-Queen's University Press.
5. Babe, R. 1990. Telecommunications in Canada: Technology, Industry, and Government. Toronto: Toronto University Press, 68.
6. Service de la documentation historique de Bell Canada (SDHBC), boîte de classement n 80013, Moore, L.S. «Montreal Exchange. A brief history of the furnishing of telephone service -- 1880-1959»., 3-4.
7. SDHBC, boîte de classement n 80013, Moore, L.S. Op. cit., 3.
8. SDHBC, boîte de classement n 84467, Barnes, A.J. 1932. «The Development of the Telephone Service in Montreal». Bell Telephone Company of Canada. A paper presented before the Montreal Branch of the Engineering Institute of Canada, November 24, 12.
9. Pour une présentation des enjeux relatifs à l'introduction de la signalisation automatique chez AT&T voir: Lipartito, K. 1994. «When Women Were Switches: Technology, Work, and Gender in the Telephone Industry, 1890-1920», American Historical Review 99 (4): 1074-1111.
10. Chapuis, R.J. 1982. 100 Years of Telephone Switching (1878-1978). Amsterdam: New York, North-Holland Publishing Company, 152.
11. SDHBC, boîte de classement n 84467, Barnes, A.J. 1932. Op. cit., 1.
12. Fischer, C.S. 1992. America Calling. A Social History of the Telephone to 1940. Berkeley, CA: University of California Press, 35-36.
13. À ce sujet voir le chapitre intitulé: «The Theatre of Science» dans l'ouvrage de C. Armstrong et H.V. Nelles. 1986. Monopoly's Moment. The Organization and Regulation of Canadian Utilities, 1830-1930. Toronto: Toronto University Press, 59-73.
14.SDHBC, document n 23216, Trengrove, E.H. 1965. «Company Progress as Mirrored in our Advertising, 1915-1965».
15. À ce sujet voir les ouvrages de Fischer, C.S. 1992. Op. cit. et de Martin, M. 1991. Op. cit.
16. SDHBC, 1927. «Why Spend Money for Advertising?». The Blue Bell 6 (12), 26.
17. Fischer, C.S. 1992. Op. cit., 64. Voir aussi Griese, N.L. 1977. «AT&T: 1908 Origins of the Nation's Oldest Continuous Institutional Advertising Campaign». Journal of Advertising 6 (3): 18-24 et le chapitre intitulé «Telling the Public», 154-163 de l'ouvrage de Page, A.W. 1941. The Bell Telephone System. New York: Harper & Brothers Publishers.
18. Stephenson, H.E. et C. McNaught. 1940. The Story of Advertising in Canada. Toronto: The Ryerson Press, 185.
19. Fischer, C.S. 1992. Op. cit., 64.
20. SDHBC, 1930. «World's Telephone Statistics», Bell Telephone Quarterly 9 (3): 220.
21. Massue, H. 1930. Étude des conditions affectant la consommation d'énergie électrique dans les Provinces d'Ontario et de Québec. Rapport soumis à Shawinigan Water & Power.
22. Massue, H. 1930. Op. cit., 11.
23. À noter, si le pourcentage de la population abonnée est plus faible que le nombre de téléphones par 100 habitants, c'est que certains possèdent plus d'un appareil.
24. Latham, R.F. 1983. «The Telephone and Social Change». In Communications in Canadian Society, edited by B.D. Singer. Toronto: Addison-Wesley, 43-45.
25. Boyer, J.-C. 1987. «Les débuts du téléphone en France, en Angleterre et aux Pays-Bas, 1879-1892». In La ville et l'innovation: relai et réseaux de diffusion en Europe, 14e-19e siècles, sous la direction de B. Lepetit et J. Hoock, 197-208. Paris: Editions de l'EHESS.
26. Boyer, J.-C. 1987. Op. cit., 205.
27. Le principe premier qui a guidé ce choix est celui de représenter l'hétérogénéité de l'ensemble des activités et de la population montréalaises. D'une manière plus spécifique, pour les artères résidentielles, les critères de sélection sont les suivants: 1) typologie du cadre bâti (unifamiliale pavillonnaire, unifamiliale en rangée, immeuble collectif -- moins de 6 unités --, immeuble collectif -- plus de 6 unités --; 2) classe sociale et appartenance linguistique (classe d'affaires, classe moyenne, classe ouvrière; anglophone, francophone, allophone); 3) localisation (centrale et périphérique). Pour les artères commerciales, les critères sont les suivants: 1) rayonnement et type d'activités (de quartier, métropolitain et régional; commerces de grande surface, petits commerces, bureaux, ateliers, fonctions mixtes); 2) typologie du cadre bâti (bâtiments multifonctionnels et gratte-ciel); 3) localisation (centrale et périphérique).
28. La sélection des habitants et des gens d'affaires a été faite en fonction de la plus grande variété d'abonnés potentiels. Deux grandes catégories s'imposent d'emblée: la clientèle résidentielle et la clientèle d'affaires. En respectant cette distinction, nous avons fait l'analyse de rues résidentielles suivantes: 1) le chemin de la Côte-Saint-Antoine à Westmount; 2) la rue Sherbrooke, et plus précisément l'immeuble d'appartements Linton situé à l'intersection du chemin de la Côte-des-Neiges à Montréal; 3) l'avenue Laval, à proximité du square Saint-Louis à Montréal; 4) le boulevard Saint-Joseph situé dans la municipalité de Saint-Louis (annexée à Montréal en 1910); 5) le boulevard Pie-IX situé dans la municipalité de Maisonneuve (annexée à Montréal en 1918); 6) la rue Saint-Ferdinand située près du canal Lachine dans la municipalité de Saint-Henri (annexée à Montréal en 1905). Quant à elles, les trois rues commerciales que nous avons choisies sont, sans doute, les plus importantes de Montréal à l'époque: 7) la rue Sainte-Catherine à proximité du square Phillips; 8) la rue Saint-Jacques et plus spécifiquement un gratte-ciel localisé au coeur du district financier; 9) le boulevard Saint-Laurent au nord de la rue Duluth (figure 10) .
29. SDHBC, boîte de classement n 84467. The Bell Telephone Company of Canada Engineering Department. 1943. «Montreal Summery Studies Made in Engineering Department and of Market Development Studies Made by the Commercial Department also Plans of Exchange Areas and Conduit Studies», (June); Pike, R. et V. Mosco. 1985. «From Luxury to Necessity and Back Again? Canadian Consumers and the Pricing of Telephone Service in Historical and Comparative Perspectives». Paper presented at the 1985 Annual Conference of the International Communication Association, Honolulu, Hawaii, May 23-27, 12.
30. Flichy, P. 1991. Une histoire de la communication moderne. Espace public et vie privée. Paris: La Découverte, 122.
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